mardi 14 décembre 2010

Souffler le chaud et le froid ou la défense de l’environnement à la mode conservatrice

Les journaux rapportaient récemment que le gouvernement conservateur avait exercé un lobby insistant auprès de l’administration américaine afin de soustraire les sables bitumineux à certaines dispositions de la loi sur la sécurité et l’indépendance énergétique des États-Unis adoptée en 2007. Les fonctionnaires du ministère de l’Environnement sont à couteaux tirés avec ceux des Affaires étrangères parce que ces derniers jugent que les dispositions de la loi américaine pourraient avoir des effets néfastes sur les exportations de pétrole albertain extrait des sables bitumineux. De leur côté, les fonctionnaires de l’environnement sont d’avis que les contraintes et les pressions de la loi américaines auront pour effet de forcer l’industrie des sables bitumineux à prévoir des mécanismes pour le captage et le stockage du carbone. Le lobby des fonctionnaires des Affaires étrangères à Washington aura été tellement efficace que les tribunaux saisis de l’affaire en sont toujours, après trois ans, à étudier le bien fondé du recours judiciaire.

Il faut reconnaître qu’en matière d’environnement la position du gouvernement conservateur ne s’est pas distinguée par sa transparence. Au contraire, le gouvernement souffle le chaud et le froid et son approche consiste à en faire le moins possible. Lorsque cela lui convient, il dit vouloir attendre les normes des États-Unis au motif que la multiplicité des normes ne fera que compliquer la vie aux entreprises. Et lorsque le gouvernement américain pose des gestes contraignants pour lutter contre les changements climatiques comme ceux que prévoient la loi sur la sécurité et l’indépendance énergétique, plutôt que d’y adhérer le gouvernement canadien exerce un lobby pour soustraire les producteurs de pétroles de l’Alberta aux dispositions de la loi.

Il est quand même symptomatique qu’après toutes ces années le gouvernement soit toujours incapable de nous présenter le moindre plan crédible de réduction de gaz à effet de serre. Si l’Union européenne et l’Union africaine ont pu rendre publics sur internet leurs objectifs de réduction de gaz à effet de serre en prévision du Sommet sur le climat qui se tiendra à Cancún au Mexique à la fin de l’année, on se demande pourquoi le Canada ne peut pas en faire autant? Qu’est-ce qui explique ce manque de transparence? La raison est simple, c’est que le gouvernement conservateur ne croit pas que la lutte aux changements climatiques peut être payante. Pourtant, il existe de nombreux exemples où le mariage de l’économie et de l’environnement a entraîné non seulement du développement, mais aussi de la création d’emplois et de la richesse. L’actuel ministre de l’environnement est tellement inféodé à l’industrie pétrolière qu’on est en droit de se demander s’il ne devrait pas changer son titre de ministre de l’environnement pour celui de lobbyiste des pétrolières? C’est une histoire à suivre.

Pierre Paquette

jeudi 2 décembre 2010

À la défense de nos créateurs


Le 30 novembre dernier, une centaine d’artistes québécois sont venus à Ottawa afin de crier leur désarroi à l'égard du projet de loi C-32 sur les droits d'auteur pour lequel le Bloc Québécois s'est engagé à exiger des amendements substantiels au cours des travaux du comité législatif qui l'étudie.

Ce projet de loi appauvrit nos artistes et n'enrichit que la grande entreprise. En fait, les principales modifications apportées par ce projet de loi en vue de moderniser la loi actuelle favorisent nettement la grande industrie du logiciel, du logiciel de jeu, du film et de la radiodiffusion au détriment des droits de nos artistes et de nos artisans. Le déséquilibre du projet de loi sur les droits d'auteur est manifeste.

Le monde de la musique n'a pas besoin du verrou numérique, une pièce centrale du projet de loi des conservateurs, qui est conçu pour le logiciel et le logiciel de jeu. Le milieu de la musique veut plutôt que ses produits soient téléchargés sur tous les supports et largement diffusés en contrepartie de rémunération.

Outre le fait que C-32 n'accorde aucun gain important pour les créateurs de contenu artistique, ces derniers perdent trois sources de revenus très importantes, totalisant 74 millions de dollars :

• Le système de la copie privée existe dans la loi actuelle pour pallier les nombreuses copies légales d'œuvres musicales faites par les consommateurs sur divers supports. Des redevances sont perçues à la vente de CD vierges et de cassettes et sont redistribuées aux artistes et artisans. Le projet de loi C-32 ne modernise pas le système de la copie privée et ne s'applique donc pas aux nouveaux supports technologiques (comme les MP3 et autres lecteurs audionumériques). C'est autant d'argent que les artistes perdront au fur et à mesure que les anciens supports seront délaissés. Depuis 1990, le système de la copie privée a perçu 180 millions de dollars de redevances et les a redistribuées selon un système complexe, mais assez juste, aux artistes et artisans, une moyenne de 13 millions de dollars par année. Il est important de mentionner que le système de la copie privée n'autorise pas le téléchargement illégal;

• Le secteur de l'éducation serait désormais dispensé de payer des droits d'auteur. En plus d'aller à l'encontre de l'enseignement aux jeunes de l'importance et du respect des droits des auteurs, les institutions d'enseignement priveraient les créateurs de musique, d'audiovisuel, d'arts visuels et de littérature de plus de 40 millions de dollars par année, une minime fraction de leur budget de 72 milliards de dollars;

• En abolissant les redevances pour l'enregistrement éphémère par les radiodiffuseurs, ces derniers cesseraient de verser 21 millions de dollars par année en redevances redistribuées aux artistes et artisans.

Les artistes et artisans ont tenu à rappeler aux parlementaires que les œuvres artistiques ne sont pas gratuites. Personne ne peut travailler gratuitement. Si on cesse de verser des redevances aux artistes pour leurs droits d'auteur, la perte sera aussi pour les consommateurs, qui se verront privés de nouvelles créations d'œuvres artistiques.

Les artistes parmi les plus grands du Québec et les plus représentatifs de la culture québécoise lancent un cri du cœur aux parlementaires de ne pas laisser tomber les artistes, l'art et notre culture. Aider nos artistes, c'est contribuer à l'expression de notre culture, à l'expression de notre nation.

L’opération nommée « L'autobus du showbusiness » a été organisée conjointement par le Bloc Québécois et l'Union des artistes. Les Luc Plamondon, Robert Charlebois, Michel Rivard, Arianne Moffatt et Marie-Mai étaient quelques-uns des artistes qui se sont fait un devoir de représenter à Ottawa leurs collègues du secteur culturel.

Pierre A. Paquette