jeudi 13 janvier 2011

La social-démocratie et la question nationale

Depuis quelques mois, un chantier pour une social-démocratie renouvelée est animé par un consortium de recherche(www.chantiersocialdemocratie.org). Ce renouvellement est nécessaire parce que les politiques de l’État et les propositions de la société civile dont les partis politiques doivent constamment s’adapter aux changements, particulièrement structurels, dans les domaines de l’économie, du social, de la culture et de l’environnement. Il serait faux de dire que le projet social –démocrate n’a pas évolué au fil des décennies, mais les modifications des trente dernières années sur tous les plans et à l’échelle planétaire appellent un effort plus important et nécessitent une approche plus volontariste qu’auparavant.

À mon avis, l’avenir du Québec et du projet social – démocrate sera conditionné en bonne partie par notre capacité à relever cinq grands défis : la mondialisation, la lutte aux changements climatiques, le renforcement de la démocratie, le défi démographique et les assises de l’identité québécoise. Chacun de ces défis est intimement lié à la question nationale.

Des défis incontournables

Ainsi, la libéralisation du commerce est, au plan économique, une source de croissance. Les 60 dernières années le démontrent bien. Elle n’est toutefois pas une garantie d’enrichissement pour le monde. Ce phénomène de mondialisation a vu les inégalités s’accroître entre les pays et au sein de chacun d’entre eux. À titre d’illustration Paul Krugman dans son livre, L’Amérique que nous voulons (Flammarion, 2008) rappelle qu’en 1980, 1 % de la population aux États-Unis empochait 8 % du revenu total. En 2006, année qui a précédé la crise financière et économique, ce même 1 % s’accaparait 23 % du revenu total, soit presque trois fois plus. La dernière fois qu’une telle situation s’était produite, c’était en 1928, juste avant la Grande Dépression. Cette constatation, plusieurs dirigeants, notamment des pays émergents et en voie de développement l’ont faite, ce qui explique en grande partie le blocage du cycle de Doha. Au sein de la société québécoise, beaucoup de monde, et pas seulement à gauche, pense qu’il faut mettre en place un autre modèle de mondialisation qui fait de la répartition de la richesse et de la question des droits sociaux, environnementaux et culturels des priorités. Cela implique des décisions au plan international et planétaire. Le problème pour le Québec, c’est qu’il n’a pas accès aux forums internationaux où il pourrait faire valoir avec d’autres pays cette autre mondialisation. De plus, il ne contrôle pas toutes les compétences nécessaires à cette approche. La seule et unique façon pour le Québec de participer pleinement et activement à la recherche de ce nouveau modèle de mondialisation et aux négociations internationales, c’est de devenir souverain.

La lutte aux changements climatiques est un défi global, urgent et nécessaire. Il y va de l’avenir de l’espèce humaine et de notre seule et unique planète. Ce défi est le plus important que le monde ait à relever. Le Québec n’y échappe pas et doit faire sa part.

Cependant, il serait illusoire de croire que le Québec pourra aller au bout de ses ambitions dans ce domaine sans contrôler les moyens qui se trouvent actuellement à Ottawa, d’autant plus que la stratégie industrielle du Canada est essentiellement basée sur l’exploitation des sables bitumineux.

Nous avons également la responsabilité de préparer le Québec au défi démographique dont les impacts commenceront à se faire sentir vers 2015. Si l’on peut et si l’on doit débattre de l’ampleur du défi démographique, on doit évaluer les conséquences au plan des finances publiques et sur notre capacité future à pratiquer la solidarité et à relever les défis qui sont les nôtres.

Pour relever ce défi, il faut impérativement pouvoir utiliser les milliards de dollars que le Québec envoie chaque année à Ottawa, selon nos besoins et nos priorités propres sans avoir à toujours craindre les décisions arbitraires et unilatérales du gouvernement fédéral.

Enfin, si nous souhaitons assurer l’essor de la nation québécoise, notre devoir le plus important consiste à assurer la vigueur des assises de notre identité, soit la langue française et la culture québécoise. Or, là encore, Ottawa a une partie de notre sort entre ses mains.
La responsabilité du mouvement et des partis souverainistes consiste à proposer des idées pour relever ces défis et à tout faire pour que nos objectifs se réalisent dans le cadre d’une social-démocratie à la québécoise.

Une véritable démocratie représentative doit s’appuyer sur une opinion publique informée et une société civile reconnue et consultée. Sa base est constituée d’un système parlementaire où les élus ont le pouvoir de demander des comptes à leur gouvernement respectif.

En restreignant le pouvoir des parlementaires, les débats publics et l’information, le pouvoir exécutif a provoqué le désintéressement chez les uns et, la peur du changement chez les autres ainsi que tous les activismes possibles. C’est vrai au Canada et la plupart des pays occidentaux. Le torpillage du recensement par les conservateurs, comme le fait remarquer Manon Corneiller dans le journal Le Devoir (2010/09/29) est une atteinte au droit à une information éclairée et je la cite : « Tenus dans le noir et privés de données fondamentales [ les citoyens] ne sont plus aussi bien armés pour exercer leur premier droit démocratique, soit celui de juger le gouvernement. »

Le transfert de pouvoirs réels vers des institutions, où il n’y a pas de présence parlementaire comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a aussi contribué à affaiblir cette démocratie représentative et sa capacité de changer les choses. Ce sentiment d’impuissance est alimenté par la séparation de compétence entre Québec et le fédéral ainsi que par le déséquilibre fiscal qui empêche l’Assemblée nationale d’assumer la totalité des responsabilités que la nation québécoise souhaitait qu’elle ait.

La souveraineté du Québec constituera un vent de fraîcheur et contribuera, avec d’autres réformes, en particulier en valorisant l’action citoyenne, à renforcer la démocratie.

Des principes à respecter

Ayant dit que le projet social-démocrate doit constamment se renouveler, s’actualiser et s’adapter aux nouvelles réalités, il doit aussi demeurer fidèle à ses principes fondamentaux. C’est un défi qui inquiète. Comment adapter les propositions et les politiques social-démocrates sans faire de compromissions? À mon sens, il faut d’abord identifier ses principes et voir comment ils se déclinent dans le contexte actuel.

J’en ai identifié cinq : la démocratie, l’égalité, l’équité et le développement durable, la solidarité et la participation citoyenne. Reprenons les un à un pour les décrire brièvement.

La démocratie

La social-démocratie se reconnaît dans des institutions, des procédures et des règles qui sont notamment la liberté d’organisation et de réunion, la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, les élections libres, la séparation entre l’État et les religions et le respect des droits fondamentaux.

L’égalité

La social-démocratie lutte contre les inégalités et prône l’égalité entre les hommes et les femmes, entre les communautés ethniques, entre les religions et avec ceux qui n’en ont pas, entre les diverses orientations sexuelles. De même, la social-démocratie s’attaque aux discriminations aussi bien au plan économique qu’au plan social. La social-démocratie est attachée à la justice sociale ce qui se traduit par l’égalité des chances face à l’éducation et l’emploi.

Équité et développement durable

L’équité, notamment l’équité intergénérationnelle doit quant à elle s’appuyer sur une politique de développement durable qui vise à améliorer la qualité de vie de la population d’une génération à l’autre en agissant sur les éléments fondamentaux de notre vie collective : éducation, santé, sécurité, environnement, infrastructures et culture. Au plan international, la social-démocratie défend le commerce équitable.

La solidarité

La solidarité est l’assise des politiques social-démocrates et peut se définir comme la responsabilité des uns envers les autres, du collectif envers l’individu et de l’individu envers le collectif. Cette solidarité doit s’exprimer à l’échelle de la planète par un nouvel internationalisme et à l’échelle nationale par un nouveau nationalisme. Je reviendrai sur ces deux notions après avoir décrit ce qu’est la participation citoyenne selon moi.

La participation citoyenne

La démocratie c’est plus que les élections. J’ai eu l’occasion de le dire avant, la démocratie représentative doit être renforcée par le rééquilibrage des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif au profit des parlementaires. Une démocratie représentative forte est une condition essentielle à la réalisation du projet social-démocrate. Mais on constate aussi que l’épanouissement de la social-démocratie a été accompagné d’élargissement de la conception de ce qu’est la démocratie. Qu’on parle de concertation sociale, de démocratie participative, de décentralisation ou d’actions citoyennes, l’idée que la démocratie représentative est essentielle, mais insuffisante a toujours été présente. J’aimerais développer deux thèmes porteurs : la démocratie et la solidarité.

Renforcer la démocratie

Fernand Dumont dans son livre Raisons communes (Boréal, 1995) écrit « qu’une collectivité vigoureuse suppose l’accord des citoyens sur l’existence de problèmes qui dépassent leurs soucis privés et qu’elle exige leur consentement à la délibération démocratique ». Ce qui est intéressant dans cet extrait de Dumont, c’est que, selon lui, avant même de délibérer sur les voies de solutions, il doit y avoir un certain consensus sur l’existence d’un problème collectif. On voit donc l’importance qu’une information accessible, crédible et la plus indépendante disponible.

C’est pourquoi, je trouve que l’idée de Louise Beaudoin, alors ministre des relations internationales, de mettre sur pied au début des années 2000 un Observatoire sur la mondialisation, excellente et indispensable. Malheureusement, une des premières décisions de Jean Charest, nouvellement élu en 2003, fut de démanteler cet observatoire sous le prétexte fallacieux d’économie budgétaire. À la même époque, Bernard Landry, alors Premier ministre se fit le promoteur d’un Institut pour le développement de l’économique et de l’emploi (IDÉE) pour alimenter la réflexion collective sur ces grands enjeux. Encore une fois, l’élection des libéraux mit fin à l’initiative annoncée lors du dernier budget du Parti Québécois. Il serait tout à fait possible que l’État finance de tels organismes indépendants dans quatre ou cinq domaines jugés prioritaires. Autour de ces organismes, des espaces de débats publics permettraient aux organisations de la société civile et à l’État d’établir un dialogue plus permanent. Cela éviterait que des enjeux apparaissent, à tort ou à raison, comme des questions soulevées pour d’autres motifs ou pour faire avancer un programme caché. Pensons ici à l’utilisation de la dette (dont plusieurs définitions existent) et que certains utilisent sans fondement pour promouvoir une réduction de la place de l’État. J’ai eu l’occasion d’en parler souvent.

De plus, un tel dialogue permettrait de voir venir les enjeux avant qu’ils ne deviennent des problèmes, voire des crises. Je pense à la question des accommodements raisonnables ou à celle de l’exploitation des gaz de schistes. Ce dialogue éviterait peut-être que des acteurs sociaux et des citoyens peu ou pas convaincus de l’existence réelle d’un problème et des faits l’entourant se retirent de la délibération démocratique et pratiquent ce que certains appellent une « démocratie de surveillance » voire de « dénonciation ». Ce type d’attitudes alimentent soit le cynisme, soit le sentiment d’impuissance et parfois le populisme.

Dans le fond, les citoyens veulent avoir un rapport avec l’État qui soit beaucoup plus humain, plus personnalisé. Ce qui est vrai pour les individus l’est aussi pour les régions et les communautés. La décentralisation est une réponse à cela, mais l’économie sociale en constitue une autre. Les gens, lorsqu’ils se dotent d’entreprises ou d’institutions qu’ils contrôlent, veulent façonner la production de service en fonction de leurs besoins, plutôt que de dépendre de décisions prises en haut, par un centre, loin de leurs préoccupations. On peut voir tout cela dans le cade de la remise en question des rapports traditionnels entre l’État et les citoyens, entre les régions et l’État. La décentralisation et la création d’une économie sociale offrent une réponse partielle. Il y en a d’autres.

On constate une tendance, irréversible je crois, à une redéfinition générale de ce qu’est le social et le politique, des relations entre les individus et entre les individus et l’État. C’est dans ce contexte que je suis porté à croire que l’économie sociale est appelée à un important développement, précisément parce que les gens veulent maintenant avoir un rapport plus direct avec ce qui les concerne.

C’est très facile maintenant de faire une collecte pour une cause particulière : les gens adhèrent à la cause et donnent de l’argent. Alors que si l’on parle d’un impôt général qui va servir à un ensemble de causes, le lien est moins direct et la méfiance est plus grande. Tout cela se situe à une échelle où les gens pensent avoir un certain contrôle et c’est ce qu’ils recherchent. Mais n’oublions pas les limites de tout cela. Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir un filet de sécurité sociale basé sur ce genre de solidarité éclatée. Il faudra donc que l’État fasse preuve de plus de transparence dans l’utilisation des fonds publics.

Ces tendances posent un défi important aux partis politiques dont le rôle comme membre de la société civile est essentiel. Il faut le rappeler, le concept de « société civile » a été inventé par la Droite française à l’époque du Front populaire au début des années 1930 pour attaquer la légitimité des décisions du gouvernement de Gauche. La légitimité émanait pour l’opposition de droite de la société civile. Le pas suivant, plutôt le fait des progressistes, a été de considérer les partis politiques comme des entités extérieures à la société civile, ce qui est pour moi totalement faux.

Cela dit, les partis politiques ont un rôle qui est différent des autres organismes de la société civile qui peut se définir comme tout ce qui n’est pas l’appareil de l’État. Les divers acteurs de la société civile, comme les associations de consommateurs, les syndicats, les groupes environnementalistes, ou communautaires ou de femmes, les organisations patronales, défendent les intérêts et les préoccupations des personnes qu’elles représentent et c’est tout à fait normal. Sans être exclusif, elles sont plus sur le mode de la revendication que de la proposition.

La revendication est un élément essentiel de l’action sociale et le demeure. Revendiquer, c’est réclamer quelque chose qui découle, selon le point de vue, d’un dû ou d’un droit. Proposer, c’est mettre de l’avant une solution nouvelle à un problème qui est identifié comme réel par une majeure partie de la société. La proposition prend en compte les contraintes des uns et des autres ainsi que leurs revendications.

C’est le rôle des partis politiques de faire de l’ensemble de ces propositions un projet cohérent de société. Les partis doivent faire des arbitrages entre les différentes revendications et propositions à partir d’une vision politique qui doit avoir des racines au sein d’une société et d’une nation. L’objectif de l’action politique partisane est de réaliser un programme dans le cas des partis progressistes pour le bien commun en prenant le pouvoir et en utilisant l’État pour ce faire.

Le Bloc Québécois est aussi un produit de la société civile. Après l’échec du Lac Meech, une bonne partie des Québécoises et des Québécois voulaient qu’il y ait une cohérence entre leur vision politique (souverainistes ou nationalistes) et les choix électoraux qu’ils avaient sur la scène fédérale. D'ailleurs, la déclaration de principe du Bloc Québécois, adoptée au congrès de 2000, le rappelle.

« Le Bloc Québécois est un parti souverainiste [...] Il rétablit la concordance et la légitimité entre la vision d’un peuple et celle de ses représentantes et représentants élus sur la scène fédérale. Le Bloc Québécois affirme l’existence de la nation québécoise, exige sa reconnaissance et défend son droit de choisir librement son avenir. »

Dès le départ, donc, le dialogue entre le BQ et la société civile était au cœur des préoccupations.
L’élection de Gilles Duceppe, il y a 20 ans cette année, exprime le fait que beaucoup de Québécoises et de Québécois ne voulaient plus être obligés de s’abstenir de voter pour des partis fédéralistes qui ne représentaient pas leurs convictions nationalistes ou souverainistes ou encore s’abstenir. C’est dans cette volonté populaire de dépasser cette contradiction qu’il faut chercher l’appui constant des Québécoises et des Québécois au Bloc.

Depuis 1993, à chaque élection fédérale la nation québécoise a envoyé une majorité de députés du Bloc pour défendre ses valeurs et ses intérêts. Il s’agit là d’une avancée majeure de la démocratie québécoise.

Pour renforcer la solidarité

La solidarité s’exprime à l’échelle de la planète par un nouvel internationalisme et la réforme du droit international pour le développement économique et démocratique à l’échelle du monde. Si un État respecte les droits fondamentaux des personnes qui relèvent de son autorité et cherche à répondre à leurs besoins de base, alors sa souveraineté doit être respectée. Mais si un État viole lui-même le droit à la vie, la communauté internationale a un devoir d’intervention, de protection et d’assistance. Il est bien évident que seules des actions à caractère multilatéral découlant de résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies sont acceptables pour les socio-démocrates. Ce nouvel internationalisme doit s’étendre à la question des droits sociaux et environnementaux.

Par exemple, depuis quelques années, les discussions au sein d’instances internationales comme l’Organisation de coopération et de développement économique (0CDE) et l’Organisation internationale du travail (OIT) ont permis de donner substance à la protection des droits du travail en la définissant à partir de sept conventions fondamentales déjà adoptées par l’OIT. Il s’agit des conventions sur la liberté syndicale (Convention № 87) et le droit d’organisation et de négociation collective (Convention № 98), sur l’interdiction du travail forcé ou obligatoire (Conventions № 29 et № 205), sur l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes (Convention № 100) et contre la discrimination en matière d’emploi (Convention № 111) et sur le respect d’un âge minimum pour l’emploi, limitant le travail des enfants (Convention № 138).

Rappelons qu’il s’agit de sept conventions fondamentales, toutes adoptées par l’OIT depuis plusieurs années et toutes ratifiées par un grand nombre de pays, tant du monde industrialisé que du monde en développement. Ces conventions ne visent pas l’équivalence des salaires ou la similitude de la protection sociale entre pays mis plutôt à faire respecter des droits fondamentaux applicables à tous les pays indépendamment de leur niveau de développement.
La proposition développée au sein de l’OIT et de l’OCDE prévoit que la surveillance de l’application de ces droits se ferait par un comité conjoint OMC/OIT. Le comité pourrait recevoir des plaintes, qu’il aurait le devoir d’examiner, et offrirait de l’assistance technique pour aider les pays à se conformer à la clause. Passé un certain délai et après un examen de la mise en œuvre de ses recommandations par le comité, la procédure de règlements de conflits pourrait s’appliquer.

Une même approche pourrait être prévue pour les droits environnementaux sur la base des grandes conventions internationales dans ce domaine, comme la convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques dont découle le Protocole de Kyoto ainsi que la Convention sur la diversité biologique et le Protocole de Carthagène. La même chose est faisable au plan culturel avec la Convention sur la diversité de l’UNESCO.

Tous les avantages prévus à un accord commercial qu’il soit multilatéral ou bilatéral devraient être assujettis au respect de ces droits. Finalement, la solidarité doit avoir pour assise la nation. Il y a un lien étroit entre la social-démocratie et la nation comme affirmation de la souveraineté populaire. Il faut rappeler que la nation, c’est l’espace de liberté et de la délibération démocratique. La solidarité nationale est le premier rempart contre les dérives de la mondialisation. En effet, c’est toujours l’État-nation qui est le mieux à même de représenter les intérêts nationaux sur la scène internationale. La solidarité nationale est aussi une force de développement économique où sont présentes la création et la redistribution de la richesse. À cet égard, il est tout aussi absurde de dire qu’une collectivité doit créer la richesse avant de la distribuer que de dire qu’elle peut la répartir sans tenir compte de sa création. Il s’agit là de deux processus inter-reliés. Une société où les inégalités de richesse s’agrandissent toujours, devient nécessaire une société sans cohésion et une économie en sursis. S’il avait fallu attendre avant de moderniser notre réseau d’éducation d’en avoir tous les moyens, le Québec comme l’ensemble des pays industrialisés, n’auraient jamais connu la prospérité qui a caractérisé les cinquante dernières années.

L’impasse persiste

Malgré la volonté d’une grande partie des Québécois et des Québécoises de renouveler le projet social-démocrate, une double impasse persiste. D’une part, parce que l’argent du Québec à Ottawa n’est pas sous notre contrôle. D’autre part, parce que le vieillissement de la population devrait commencer à se manifester vers 2015 et que si rien ne change d’ici là, le Québec se prépare des lendemains très difficiles.

Pour dénouer l’impasse liée au défi démographique, la priorité des priorités pour le Québec doit être de régler rapidement et complètement le déséquilibre fiscal et les litiges financiers avec Québec totalisant au bas mot 8 milliards de dollars.

Les transferts fédéraux seront transformés en revenus autonomes pour le gouvernement du Québec par un transfert de champs fiscaux, ce qui lui permettra de planifier à moyen et à long terme, sans craindre les coupures unilatérales d’Ottawa. Enfin, l’élimination du « pouvoir fédéral de dépenser » épargnera au Québec les intrusions sans fin d’Ottawa dans ses compétences.

Il y a deux consensus qui semblent se dégager des débats en cours : le Québec doit investir massivement en éducation et en recherche et il doit se doter d’une stratégie d’enrichissement collectif. Pour ce qui est de l’éducation, la solution réside dans le règlement du déséquilibre fiscal.

Comme il l’a fait à propos de la reconnaissance de la nation québécoise, du transfert au Québec de la formation de la main-d'œuvre et des congés parentaux, le Bloc Québécois a réussi à imposer la question du déséquilibre fiscal à la Chambre des communes. L’Assemblée nationale est unie sur cette question. Nous menons cette bataille depuis de longues années et nous irons jusqu’au bout. Nous allons faire de même pour la stratégie économique que nous proposons.
Nous proposons une stratégie d’enrichissement fondée sur la réduction de la dépendance du Québec au pétrole. Ce devrait, selon nous, être la deuxième priorité du Québec.

L’urgence de la souveraineté

Pour le moment l’impasse persiste. La nation québécoise envoie une large partie de sa richesse collective à Ottawa chaque année, sous le contrôle du Canada. Cette richesse nous échappe, nous ne la contrôlons pas. Si le gouvernement fédéral refuse de régler globalement le déséquilibre fiscal, l’impasse du choc démographique demeurera entière. Si le gouvernement fédéral refuse de contribuer à la stratégie québécoise d’enrichissement collectif, l’impasse persistera toujours.
Je ne partage pas la crainte d’une catastrophe de la situation financière du Québec suite au défi démographique. Je ne la partage pas parce que le Québec a les ressources pour y faire face. Cependant, si la situation actuelle devait persister, nous risquons de voir l’État québécois, le seul contrôlé par la nation québécoise, se diriger vers une sorte d’étouffement.

Il y a bien sûr une autre façon de dénouer l’impasse en reprenant le plein contrôle de nos moyens financiers. Ça s’appelle la souveraineté. Ça aussi je le propose.
Pierre Paquette

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