mardi 10 novembre 2009

La Cour suprême de la nation canadienne et la loi 101

La Cour suprême du Canada vient de déclarer l’inconstitutionnalité d’une autre loi québécoise de nature linguistique. En 30 ans, c’est donc la cinquième fois que la Cour suprême se porte au secours des anglophones et des allophones du Québec pour leur faciliter l’accès à l’école anglaise publique et subventionnée par l’État québécois. Toutes les interventions de cette cour dans le dossier linguistique ont entraîné un recul et une réduction de la marge de manœuvre du Québec dans sa capacité à se doter d’outils et de moyens législatifs pour assurer la pérennité de la langue française sur le territoire du Québec. Elle est intervenue en 1979, en 1984, en 1988, en 1992 et en 2009. Une telle constance s’apparente à de l’acharnement.

De quoi s’agit-il cette fois-ci? Il s’agit de la loi 104 adoptée unanimement par l’Assemblée nationale du Québec en 2002. Une loi devenue nécessaire pour colmater une brèche de la loi 101 dans laquelle anglophones, allophones et certains francophones, il faut le reconnaître, s’étaient engouffrés pour contourner l’esprit de la loi 101 et se payer, c’est le cas de la dire, un accès à l’école publique anglaise subventionnée par l’État québécois. Le stratagème consistait à inscrire un des enfants de la famille dans une école anglaise privée aussi appelée « école passerelle » pendant quelques mois pour que l’enfant réponde ainsi aux critères de fréquentation exigés et acquiert ainsi le droit d’aller ensuite à l’école anglaise publique subventionnée. Ce droit ne se limitait pas au seul enfant ayant fréquenté l’école privée, il s’étendait à ses frères, à ses sœurs et à toute sa descendance. C’est cette entourloupette que la loi 104 venait colmater. En déclarant la loi 104 inconstitutionnelle, à l’unanimité, les juges de la Cour suprême du Canada récompensent donc la délinquance et rendent légitime le fait de vouloir se soustraire à l’application de la loi 101. On s’explique mal ce jugement quand on sait que les juges dans le passé ont mis en garde contre les « parcours scolaires artificiels » destinés à contourner les objectifs de l’article 23 de la Charte canadienne. Le récent jugement est d’autant plus incompréhensible que cette même Cour suprême dans l’arrêt Solski a soutenu « qu’il ne suffit pas qu’un enfant soit inscrit depuis quelques semaines ou quelques mois à un programme donné pour qu’il soit possible de conclure que cet enfant ainsi que ses frères et sœurs sont admissibles aux programmes d’enseignement dans la langue de la minorité au Québec ». En quoi un séjour de quelques mois dans une institution d’enseignement peut-il s’apparenter à un parcours scolaire authentique? Toute la question est là. Les juges cherchent à atténuer la portée de ce jugement en invoquant le très petit nombre de cas visés. On se demande selon quelle logique la quantité vient servir de justification à l’illégalité?

Dernier point. Il semble que dans tout ce débat autour des garanties de l’article 23 de la Charte canadienne des droits il y a un aspect fondamental que l’on oublie ou qu’on tente d’occulter et c’est le suivant. À qui la garantie de l’article 23 s’applique-t-elle? On pensait que cette garantie ne visait que les communautés de langues officielles à savoir les anglophones et les francophones. Or, l’arrêt Solski, est venu entrouvrir la porte pour étendre cette garantie aux allophones. Le récent jugement Nguyen, qui invalide les dispositions de la loi 104, confirme l’élargissement de cette garantie aux allophones. Ce qui n’est pas rien. En somme, ce jugement nous dirige, en douce, vers un possible retour à la liberté de choix en matière de langue d’enseignement. Ce qui n’est ni tolérable ni souhaitable pour la paix linguistique au Québec.

En conclusion, il est inacceptable que les décisions et les choix du Québec soient à la merci des décisions d’une cour d’une autre nation. C’est pourquoi je suis persuadé que la souveraineté du Québec demeure et de loin la solution la plus logique pour mettre fin à cette dynamique malsaine.

Pierre Paquette
Député de Joliette et
Leader parlementaire du Bloc Québécois

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