lundi 14 juin 2010

Stephen Harper n'aime pas la démocratie


Le gouvernement conservateur a une conception assez étroite de ses obligations lorsque vient le temps de rendre des comptes. Le mois dernier il s’est fait rappeler à l’ordre par le président de la Chambre parce qu’il refusait d’obéir à un ordre du Parlement qui exigeait la production de documents relatifs aux traitements des prisonniers afghans. La décision du président est venue rappeler au gouvernement Harper qu’il ne pouvait pas se défiler et qu’il avait l’obligation d’obéir à un ordre du Parlement. En substance le jugement réaffirme « que dans un régime de gouvernement responsable, le droit fondamental de la Chambre des communes d’obliger le gouvernement à rendre compte de ses actes est un privilège incontestable et, en fait, une obligation ». On ne peut être plus clair. Cette décision a entraîné la création d’un comité qui se penche actuellement sur les modalités à mettre en place pour obéir au jugement tout en respectant les objectifs de sécurité, de défense et de relations internationales du Canada.

Après cette décision on se serait attendu à plus de coopération de la part de ce gouvernement devant ses obligations à rendre des comptes. C’était mal connaître Harper et sa propension maladive au secret. Après avoir contesté le droit de la Chambre, voilà que les conservateurs contestent maintenant le droit des comités de contraindre des témoins à venir dire ce qu’ils savent. Moins d’un mois après ce jugement, ils reviennent à la charge et interdisent à leur personnel politique de témoigner devant les comités de la Chambre. Pourtant la décision du 27 avril est claire. Cette obligation de rendre des comptes s’applique aussi aux comités. Les ministres conservateurs refusent que les membres de leur personnel politique témoignent au motif que ce sont les ministres qui sont détenteurs de la responsabilité ministérielle et qu’il leur revient donc à eux de témoigner et non à leur personnel. Pousser à la limite, cette logique donne les résultats que l’on a vu la semaine dernière lorsque le ministre des Ressources naturelles a dit qu’il irait témoigner à la place de son chef de cabinet même s’il disait ne rien connaître des faits sur lesquels on voulait interroger Sébastien Togneri. On se souviendra que Togneri est ce chef de cabinet qui avait tenté d’intercepter un document destiné à la Presse canadienne et obtenu en vertu de la loi d’accès à l’information. Togneri a tenté d’intercepter un document dont la diffusion avait pourtant été autorisée par les fonctionnaires responsables de l’application de la loi d’accès à l’information. Dans un tel contexte comment un ministre pourrait-il témoigner à la place de son employé? Mais il y a plus, si cette logique devait être retenue aucun fonctionnaire ne pourrait venir devant un comité pour expliquer la teneur d’un projet de loi, d’une directive ou d’un règlement!!! Les conservateurs ont beau invoquer le principe de la responsabilité ministérielle qui veut que le ministre soit responsable de ce qui se passe dans son ministère, mais entre le principe et la réalité il y a ce qu’on appelle le pouvoir délégué. On comprend de la manœuvre conservatrice qu’elle ne vise rien d’autre qu’à empêcher les comités de faire leur travail et à éviter qu’ils mettent à jour les ingérences conservatrices dans les décisions de l’appareil gouvernemental.

Les choses ont pris une autre tournure récemment lorsque le premier ministre lui-même a fait parvenir une lettre au président du comité pour lui faire savoir que son directeur des communications, Dimitri Soudas, qui a reçu une ordonnance de comparaître devant le comité de l’accès à l’information, protection des renseignements personnels et éthique ne se présenterait pas pour témoigner. Comme personnes éprises de justice, de lois et d’ordre, on reste médusé et incrédule devant l’attitude des membres de ce gouvernement et notamment par l’attitude du premier ministre lui-même. Quel triste exemple de mépris des institutions!!! La chose a pris une tournure de plus en plus loufoque. On apprend que l’huissier mandaté par le comité pour assigner le directeur des communications du premier ministre parcourt et arpente les immeubles parlementaires à la recherche de Dimitri Soudas qui se cache pour éviter l’assignation qui lui est destinée. Toutefois, Dimitri Soudas n’est pas au bout de ses peines. La semaine dernière le Bloc Québécois a fait adopter une proposition au comité de l’éthique qui stipule que Dimitri Soudas est réputé avoir reçu son assignation à comparaître. Le comité lui a donné jusqu’à mercredi prochain pour se présenter à défaut de quoi des sanctions seront prises. Dimitri Soudas a fait savoir par voie de communiqué de presse qu’il ne se présenterait pas devant le comité en dépit de la résolution du comité. À quoi s’expose Dimitri Soudas? À rien de moins qu’à un outrage au Parlement. La saga continue. Un vrai film de série « B ». Les conservateurs ne se rendent pas compte du tort immense qu’ils causent aux institutions qu’ils ont pourtant mission de défendre à titre de parlementaires élus. Affligeant.

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