lundi 15 février 2010

La méconnaissance du ministre Prentice est sidérante!

Monsieur Prentice

Le récent discours du ministre de l'Environnement du Canada à Calgary le 1er février dernier n'est pas passé inaperçu. Son allocution à l'Université de Calgary n'avait rien de réjouissant puisque le ministre est venu confirmer ce que plusieurs craignaient c'est-à-dire l'annonce d'un nouveau recul dans l'établissement des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre du gouvernement fédéral. Le ministre s'est mis résolument à la remorque des États-Unis et a décidé d'adopter les mêmes cibles de réductions que nos voisins du Sud. L'objectif? Réduire les émissions de GES de 17 % d’ici 2020 par rapport à l'année 2005 au cours des dix prochaines années. Le Canada est devenu le seul pays présent à Copenhague à diminuer sa cible de réduction après la conférence. Il faut le faire! Le ministre ne peut pas ignorer que chaque recul fait un tort considérable aux industries québécoises parce que le déplacement de l'année de référence a pour effet de les priver des retombées des efforts qu'elles ont consentis depuis 1990, année de référence retenue par le Protocole de Kyoto. Ainsi, l’industrie manufacturière québécoise a réduit de plus de 20 % ses émissions depuis 1990. Sans compter que les reports, et les reculs du gouvernement fédéral font peser sur les exportations québécoises d'éventuelles représailles sous forme de tarifs punitifs. Mais, ce qui est déjà connu comme le discours de Calgary restera tristement célèbre pour la sortie incompréhensible du ministre contre le Québec en qualifiant les nouvelles règles québécoises de réduction des émissions polluantes des véhicules automobiles de « sottises ». Sur sa lancée le ministre a ajouté que ces règles étaient contre-productives et qu'elles affaibliraient la compétitivité. Rien de moins. Comme si l'environnement ne pouvait pas se conjuguer positivement avec développement économique.

Le ministre a fait la démonstration de sa mauvaise foi en faisant une série d'affirmations trompeuses et mensongères concernant la réglementation québécoise. L'attitude du ministre ne s’apparente à rien de moins qu'à de la désinformation. La méconnaissance du ministre est sidérante. Contrairement aux déclarations du ministre, le Québec ne fait pas cavalier seul avec ses nouvelles normes. Il imite en cela 15 autres États américains qui représentent 40 % de la population des États-Unis. Au Canada, le Manitoba, la Colombie-Britannique et l'Ontario s'apprêtent à adopter le même genre de dispositions. À la réflexion il semble bien que c'est le ministre qui est bien seul!!!

Il est également faux de prétendre que ses mesures imposeront aux consommateurs des amendes pouvant atteindre 5000,00 dollars. La réalité est est la suivante : tout d'abord, cette pénalité s'appliquerait aux manufacturiers de véhicules et non aux consommateurs. De plus, il s'agit d'une valeur symbolique appliquée à chaque véhicule et en supposant qu'un constructeur dépasse les émissions permises de 10 %, il se verrait imposer une amende correspondante de 10 % sur la valeur symbolique de l'automobile, soit 500,00 $. Et cette pénalité de 50$ par pourcentage de dépassement des normes ne sera applicable que dans cinq ans. Ce qui donne un laps de temps raisonnable aux constructeurs automobiles pour s'adapter aux nouvelles mesures.

Mais ce genre de discours anti-Québec en cache toujours un autre qui est celui de l'ingratitude supposée du Québec qui, sans la richesse provenant de l'exploitation des sables bitumineux de l'Ouest, ne profiterait pas de paiements de péréquations aussi généreux.

Voilà un autre mythe qui a la vie dure. Est-ce que les paiements de péréquation sont liés aux retombées économiques qui découlent de l'exploitation des hydrocarbures et notamment des sables bitumineux? La réponse est non, depuis que le gouvernement fédéral a décidé unilatéralement de plafonner la péréquation en l'arrimant à la moyenne du PIB canadien plutôt qu'aux écarts de richesse entre les provinces. En fait, la réalité est que la part du Québec au titre de la péréquation pourrait diminuer dans le futur. Si la richesse relative de l'Ontario (par rapport à la moyenne des 10 provinces) diminue, ce qui est probable, et que celle du Québec augmente, l'Ontario touchera une plus grande part de l'assiette tandis que la part du Québec diminuera. On sait que l'impact de la crise économique s'est fait plus durement sentir en Ontario qu'au Québec et ce scénario n'a rien de fantaisiste. En 2010-2011 la croissance des paiements de péréquation pour l'Ontario atteint 180,1 % alors que pour la même période la part du Québec n'augmente que de 2,4 %.

Qui plus est, une étude publiée en octobre 2005 par le Canadian Energy Research Institute (CERI) qui portait spécifiquement sur les impacts économiques de l'industrie des sables bitumineux albertains estimait que les retombées pour le Québec n'étaient que marginales. Le CERI évalue que le développement des sables bitumineux, entre 2000 et 2020, ne contribuera qu'à 1 % du PIB du Québec, alors que cette contribution s'établira à 72 % du PIB de l'Alberta et à 11 % de celui de l'Ontario. En fait, l'actuel rythme effréné du développement des sables bitumineux loin d'être une bénédiction pour le Québec est une nuisance en ce que l'augmentation des exportations de pétrole aux États-Unis pousse à la hausse la valeur du dollar canadien rendant les produits québécois destinés à l'exportation plus onéreux donc moins séduisants.

En conclusion, le discours du ministre a eu au moins le mérite de la transparence ce à quoi ce gouvernement ne nous a pas beaucoup habitués par le passé. Il est de plus en plus évident que les dynamiques économiques du Québec et du Canada s’opposent rendant la souveraineté du Québec encore plus urgente!

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