jeudi 18 novembre 2010

Le chat sort du sac

Le gouvernement conservateur a sorti l’artillerie lourde cette semaine pour nous vendre le prolongement de la mission militaire canadienne en Afghanistan au-delà du mois de juillet 2011, date limite fixée par la résolution du Parlement votée en mars 2008 pour la fin de la mission canadienne en Afghanistan. En effet, le 16 novembre dernier le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Défense et la ministre de la Coopération internationale ont tenu une conférence de presse conjointe pour annoncer le prolongement de la mission militaire que le Canada a déployée en Afghanistan. Les ministres ont insisté pour établir une distinction entre la mission de combat actuelle et la future mission en tentant faussement de nous faire croire qu’une mission orientée essentiellement sur la formation de l’armée afghane mettrait les troupes canadiennes à l’abri des zones de combats. Une affirmation douteuse compte tenu des propos de l’ancien général à la retraire, le général Rick Hellier : « … si vous voulez aider l’entrainement et le développement de l’armée afghane, vous devez être au combat ». En cherchant à nous faire croire que les militaires canadiens ne participeront pas au combat en se cantonnant dans un rôle de formation, le gouvernement veut nous berner. L’exemple de la mission française en Afghanistan devrait nous éclairer à cet égard. Bien qu’une partie de ses tâches consiste à former la police afghane, la France a perdu un certain nombre de militaires. La formation n’est pas une garantie que les militaires canadiens qui resteront en Afghanistan ne seront pas appelés à intervenir militairement.

Avec cette annonce le gouvernement a renié son engagement de soumettre à un vote de la Chambre tout envoi de troupes combattantes à l’étranger. Cet engagement découle d’une motion adoptée par la Chambre en mars 2008. Voici un extrait de cette motion tel qu’il apparait dans le journal des débats de la Chambre :

[..] Il est de l’avis de la Chambre, que le Canada devrait maintenir une présence militaire à Kandahar au-delà de février 2009, jusqu’en juillet 2011, d’une manière pleinement conforme au mandat de l’ONU en Afghanistan […]

Fidèle à son habitude le Premier ministre a profité que la Chambre était en relâche parlementaire et que les député-es se trouvaient dans leur circonscription, et que lui-même participait au forum de l’APEC (Sommet économique de l’Asie-Pacifique) en Corée du Sud pour annoncer que la mission canadienne en Afghanistan serait prolongée au-delà de 2011 plus exactement jusqu’en 2014. Cette façon de procéder est en flagrante contradiction avec l’engagement pris dans le Discours du Trône du 16 octobre 2007 qui prévoyait que tout futur déploiement militaire devait faire l’objet d’un vote au Parlement. Cet engagement a été repris également en campagne électorale. Non seulement cette façon de faire manque de transparence, mais cette nouvelle mission « non combattante » coûtera au Canada la bagatelle de 500 millions de dollars par année et les communiqués officiels au soutien de la conférence de presse, nous préviennent, non sans ironie, que les coûts définitifs de cette mission « non combattante » ne seront connus qu’après 2014.

Quand on constate que le ratio des sommes dépensées à l’aide au développement consentie à l’Afghanistan par rapport à celles qui seront destinées à l’aspect militaire de la mission est de 1/5, c’est-à-dire que pour chaque dollar consenti au développement cinq dollars iront pour le militaire, il est difficile de croire dans la bonne foi du gouvernement. Un tel déséquilibre dans la répartition nous montre bien qu’en dépit des affirmations du gouvernement sous sommes bel et bien et toujours en présence d’une mission de combat. L’aspect militaire de la mission demeurera prépondérant dans le futur puisqu’il est prévu que 950 militaires resteront sur place et que cela monopolisera cinq fois plus de ressources que l’aide au développement. On voudrait bien croire le gouvernement, mais les chiffres, eux, ne mentent pas. Un véritable débat est nécessaire afin de s’assurer que la mission afghane devienne une mission civile comme l’a promis le Premier ministre. Les discussions entre libéraux et conservateurs derrière des portes closes ne peuvent se substituer à un débat en Chambre. C’est une question de démocratie. D’ici-là nous ne pouvons que conclure qu’encore une fois le gouvernement aura utilisé des faux-fuyants pour tenter de nous mettre une fois de plus devant le fait accompli.

Pierre Paquette
Député de Joliette et
Leader parlementaire du Bloc Québécois

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire