jeudi 13 mai 2010

Le colloque conjoint du Bloc et des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)


Samedi le 8 mai s’est tenu à Montréal un colloque qui soulignait les 20 ans de l’échec du lac Meech. Ce colloque intitulé « 20 ans après Meech : quel est l’avenir du Québec dans le Canada » avait été précédé d’un sondage qui cherchait à connaître l’état de l’opinion au Québec et au Canada sur divers sujets. Ce sondage couvrait trois grands thèmes : les deux solitudes nationales, le partage des pouvoirs : deux visions opposées et l’accession du Québec à la souveraineté. Pour ceux et celles qui se bercent d’illusions et qui continuent de penser que le fédéralisme canadien est réformable, ils devront faire leur deuil. Les résultats de ce sondage sont dévastateurs pour ceux qui pouvaient croire encore à une quelconque ouverture du Canada vis-à-vis la spécificité du Québec.

Les résultats de ce sondage sont saisissants à plus d’un titre. Presque toutes les réponses du sondage québécois sont le reflet inversé des réponses de la partie canadienne du même sondage. Jugez-en. Les Québécois se disent d’abord Québécois à 57 % tandis que 64 % des Canadiens se disent Canadiens avant de se dire Ontariens, Manitobains, etc. Les Canadiens sont 67 % à considérer le gouvernement fédéral comme le gouvernement le plus important, alors que 58 % des Québécois considèrent que cet attribut revient au gouvernement de Québec. À la question : Les Canadiens devraient accepter le fait qu’il existe deux nations et deux langues au Canada les Québécois sont d’accord à 90 % alors que seulement 59 % des Canadiens sont d’accord. Lorsqu’on aborde le respect par le gouvernement fédéral de la loi 101 sur le territoire du Québec, là encore les opinions sont irréconciliables. Alors que 90 % des Québécois sont d’accord, 74% des Canadiens s’opposent à cette affirmation. Plus troublant encore 47 % des Canadiens jugent que des partis souverainistes n’ont pas le droit de se faire élire au Parlement fédéral alors que 71 % de Québécois trouvent cela tout à fait normal. Cela en dit long sur la démocratie à la canadienne.

Québécois et Canadiens semblent sur la même longueur d’onde lorsqu’on évoque la possibilité de réformer le fédéralisme pour satisfaire le Québec et le Canada puisque 78 % des Québécois et 73 % des Canadiens sont d’accord. Mais cette belle unanimité se détériore lorsqu’on demande si le Canada devrait ouvrir une nouvelle ronde de négociations afin de trouver une entente constitutionnelle qui satisferait le Québec. La réalité apparaît alors crûment : alors que 82 % des Québécois souscrivent à cette proposition, 61 % des répondants canadiens s’y opposent. Ceux qui rêvent encore de voir une quelconque manifestation d’ouverture de la part du Canada pour corriger l’affront du rapatriement de la constitution sans l’accord du Québec en 1982 devront repasser.

S’il n’y a rien à espérer sur le front des deux solitudes, peut-être aurons-nous plus de succès avec le partage des pouvoirs. Voyons voir. La constitution canadienne devrait reconnaître que le Québec forme une nation? Les Québécois sont d’accord avec cette formulation à 73 % alors que les Canadiens s’y opposent à 83 %. Ce qui est intéressant dans ce résultat c’est qu’à 73 % on déborde largement la seule mouvance souverainiste. Ce que ce chiffre démontre c’est qu’une majorité de Québécois, toutes allégeances confondues, considère que le Québec forme une nation. Continuons. Est-ce que la constitution canadienne devrait reconnaître au Québec un droit de retrait avec compensation financière pour tout programme fédéral ? Encore-là, opposition presque mécanique : 70 % des Québécois sont pour alors que 81 % des Canadiens sont contre. Résultats similaires quant à savoir si le Québec devrait avoir pleine juridiction sur l’immigration sur son territoire. Les Québécois sont d’accord à 78 % et les Canadiens sont contre à 77 %. Comme l’a dit un observateur au colloque, ce sondage a quelque chose de lassant et de répétitif puisqu’il ne recèle aucune surprise si ce n’est le durcissement de l’opinion publique canadienne vis-à-vis les aspirations du Québec. Idem pour la nomination par Québec de trois juges de tradition civiliste à la Cour suprême du Canada. 83 % pour/73 % contre. Oui, oui. Vous ne vous trompez pas. Les Québécois sont pour, les Canadiens sont contre. C’est le même résultat pour l’obtention d’une portion plus large des revenus fiscaux en faveur du Québec ou encore lorsqu’on demande si le gouvernement québécois devrait avoir plus de pouvoirs pour protéger la langue et la culture françaises au Québec. Quant à étendre la capacité du Québec à signer des ententes internationales dans ces champs de compétence, il faut oublier ça. Les Canadiens s’y opposent à 79 %. Comme ils s’opposent à ce que le Québec obtienne un statut particulier dans la fédération. Et comme si ce n’était pas assez, une majorité de Canadiens (56 %) sont d’accord pour centraliser les pouvoirs à Ottawa pour mettre un terme aux revendications du Québec. Dans ce contexte ce n’est pas demain la veille, comme on dit, que le Québec obtiendra une réponse favorable à ces demandes traditionnelles et à ses nouveaux besoins.

Voyons maintenant le troisième volet de ce sondage. La souveraineté du Québec. Le Québec a le droit de se séparer du Canada. Sans surprise 62 % des Québécois reconnaissent ce droit alors que 70 % des Canadiens s’y opposent. Ce qui est troublant dans ce résultat c’est que les Canadiens nient le droit du Québec à l’autodétermination. Pourtant, le Canada est membre et signataire de la charte des Nations Unies qui reconnaît le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Est-ce que le 50 % des voix plus une voix est suffisant pour que le Québec devienne souverain? Pour les Québécois : « oui » à 53 %, mais pour les Canadiens, c’est « non » à 75 %. Mais il y a pire. Qui devrait fixer la majorité requise pour un futur référendum sur la souveraineté? Le Québec ou le Canada? Eh bien cramponnez-vous. Pour 65 % de Québécois, c’est le Québec et pour 89 % des Canadiens sondés c’est le Canada!!! Mais il y a encore mieux. Qui du Québec ou du Canada devrait avoir le droit de formuler la question référendaire? Comme on pouvait s’y attendre, 72 % des Québécois pensent que c’est la prérogative du Québec et 87 % des Canadiens pensent naturellement que cela revient au Canada. Par contre, on observe une légère embellie à savoir si le Canada devrait refuser toute négociation sur la souveraineté du Québec. Les Québécois sont en désaccord avec cette affirmation à hauteur de 73 %, alors que seulement 55 % des Canadiens s’opposent à toute négociation. Ce début de fléchissement dans l’opposition est peut-être révélateur d’une certaine fatalité. On pourrait penser que les Canadiens se sont résignés : puisque les Québécois ne veulent pas rester à quoi bon les retenir. Négocions!!!

Au-delà des chiffres, ce que ce sondage met en lumière c’est la totale fermeture du Canada et de sa population à l’endroit de la nation du Québec et de ses aspirations. Bref, ceux qui espéraient encore ne trouveront rien dans ce sondage pour se réjouir. Comme le disait récemment notre chef aux participants du colloque : Les Québécois doivent en prendre acte.

Ce Canada idéal qui serait prêt à nous accommoder, ce n’est qu’un mirage. En ce sens, ceux qui pensaient en 1990 qu’avec l’Accord du Lac Meech, il y avait trois options aux Québécoises et aux Québécois doivent prendre conscience que ce n’est plus le cas : la réforme du Canada n’est pas et n’est plus possible. Il ne reste que deux voies : la marginalisation et la folklorisation de la nation québécoise dans un Canada qui se construit selon ses besoins ou la souveraineté du Québec.

Pour moi, il est très clair que seule la souveraineté représente l’option qui répond aux besoins et aux aspirations de la nation québécoise.

Pierre Paquette
Député de Joliette
et leader parlementaire du Bloc Québécois

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